La Coume Un lieu de mémoire
D’après Monsieur Ruffiandis, directeur d’école à Perpignan et grand expert de l’histoire de Mosset, son village natal, La Coûme a été mentionnée en 1519 dans les archives de la paroisse. Au milieu du 19ème siècle, elle appartenait à la famille d’un chanoine de la cathédrale de Perpignan qui y faisait produire du blé. Cet ecclésiastique fit placer sur le toit de la ferme, face au Canigou, la Vierge en vrai terracotta italienne qui ouvre généreusement ses bras à celui qui s’approche. Mise en place en 1864, elle est toujours là.
En 1932, Edith Pye, une amie Quaker anglaise, a passé ses vacances à Prades chez Yvonne Paquet, nièce de l’écrivain Alphonse Paquet. Se promenant dans la région, elle fut frappée par le nombre de fermes abandonnées dans la montagne et lorsque, en 1933, la France a dû accueillir environ 30 000 réfugiés antifascistes allemands, elle et Hilda Clark eurent l’idée de d’en installer un groupe dans une ferme des Pyrénées Orientales. Pour la réalisation de ce projet, il fallait une personne connaissant le Français. Ces dames en parlèrent à Corder Catchpool, responsable du Bureau international des Quakers à Berlin. Celui-ci proposa Pitt Kruger qu’il connaissait depuis deux ans et sa femme, Yvès, originaire de Genève. Pitt venait justement d’être chassé du corps enseignant par des Nazis. Ils acceptèrent. Arrivés à La Coûme fin 1933 avec leur fille Jamine âgée de deux ans, ils furent bientôt rejoints par d’autres réfugiés politiques allemands. Et c’est alors que débuta une aventure courageuse et exemplaire de plus d’un demi-siècle.
Reçus en amis à Prades et à Mosset, ils sont hébergés au village en attendant la réfection sommaire de la ferme et la remise en état des terres cultivables a grâce aux conseils de paysans généreux.
Année 1934, quelques étudiants anglais viennent participer bénévolement aux travaux et, depuis lors, la tradition d’entre’aide s’est perpétuée.
L’année suivante, plusieurs anciens élèves de Berlin et Postdam rendent visite à leurs professeurs et leur apportent soutient et réconfort. Mais déjà les autres réfugiés s’en vont, lassés par la vie trop dure et l’isolement. Yvès et Pitt restent et luttent.
Leur deuxième fille Veronica, naît en 1936 et cette même année, ils fondent la première Auberge de Jeunesse du sud de la France ; dès l’origine, elle rassemble des jeunes de nombreux pays et de toutes classes sociales unis par le même idéale de fraternité et de vie simple.
En 1938 La Coûme s’ouvre à quelques enfants isolés. Mais c’est en 1940 que débute le véritable travail social, éducatif et pédagogique avec les « Petits Espagnols » réfugiés de la guerre civile et soutenus par les Quakers. En 1942, s’y ajoutent d’autres victimes de guerre : enfants sous alimentés des grandes villes, menacés par les bombes, prives de famille ou de scolarité, jeunes juifs…Et alors naît la maison d’enfants qui subsiste avec les « moyens du bord » et beaucoup de bonnes volontés.
Une famille d’Italiens amis aide aux travaux des champs, et Santos le berger espagnol dont Pitt vénérait tant la sagesse de vie et la science pastorale est une présence précieuse.
Le 3 Juin 1944, Pitt est arrêté par le Gestapo, déporté en Allemagne, puis en Russie d’où il ne revient qu’en 1948.
Pendant ce temps, Yvès, seule avec ses deux filles mais secondée par de nombreux amis, surtout membres des Auberges de Jeunesse et Enseignants, fait face à l’adversité aux multiples visages : m’une des plus affreux est l’incendie du 3 septembre 1945 qui détruit presque toute la maison.
C’est alors que se forme une solide équipe de bénévole dont certains membres, Yvonne, Gérard et plus tard son épouse Monique vont rester définitivement.
La reconstruction et menée à bien avec le fort peu d’argent mais grâce à l’aide des amis des Auberges de Jeunesse, les équipes de Service Civile Volontaire International, de Monsieur Leixonne, généreux entrepreneur de Prades, de nombreux bénévoles et de la compréhension de plusieurs services administratives du Département.
Malgré les difficultés, la scolarité s’organise et des étapes importantes se succèdent :
- Création d’un poste public d’Enseignement primaire ; « école de plein air » qui deviendra spécialisée pour l’enfance inadaptée
- Autorisation officielle d’ouverture de la Maison d’Enfants en 1946
- Adhésion en tant que membre fondateur à l’Association Nationale des Communautés d’Enfants et à la Fédération Internationale.
- Début de la collaboration avec le Centre National d’Enseignement par Correspondance du Ministère
- Création, en 1950, d’un poste de « Directeur des Etudes » pour le secondaire
Plus tard seront signés avec l’état des contrats pour l’enseignement aux divers niveaux et des Professeurs seront nommés par le Ministère jusqu’en 1990.
En absence de Pitt, Hilda Clark a fait don à Yvès de la propriété de La Coûme et, en 1950, le « Centre Educatif à la Campagne » devient Association loi 1901 jusqu’en 1972 où voit le jour de la Fondation Krüger, reconnue d’Utilité Publique, définie par une Charte Morale. Yvès et Pitt cèdent l’intégralité de leurs droits de propriétaires de la Fondation, voulant « donner gratis ce qu’ils ont reçu gratis » pour le service des enfants et des jeunes.
Au cours de plusieurs décennies, les activités sont multipliés : colonies de vacances – souvent musicales ou linguistiques, camps itinérants en montagne, work-camps internationaux, stages et séminaires artistiques et scientifiques , vendanges des élèves et de l’équipe pour financer des voyages d’études, classes de neige, échanges linguistiques, accueil de vingt enfants thibétains dans les années 60, organisation de rencontres pédagogiques, etc…Là aussi, les aides bénévoles n’ont jamais fait défaut : éducateurs, animateurs, enfants d’Yvès et Pitt et leurs familles ; amis divers, anciens élèves…
Toujours en quête d’élargissement, de contacts humaines et culturels, La Coûme a su garder son indépendance, « résister » ne pas accepter d’être inféodée à un système ou à une quelconque obédience partisan, et rester fidèle à son idéale laïque. Elle a été la maison de l’accueil, de l’entr’aide, de la solidarité, de la fraternité.
Après une vie difficile mais riche et généreuse, Yvès nous a quittés le 3 janvier 1988 et Pitt le 26 août 1989 ; leurs cendres reposent côté à côté sous une simple dalle ; dans une pré proche de la maison.
Depuis 1990, La Coûme, devenue « Centre d’Accueil International pour Enfants et Adolescents » connaît un nouvel essor grâce à la jeune équipe qui q courageusement repris la flambeau, animée du même idéal au service des Jeunes.